Un enseignante m’interpelle : Je constate depuis quelques années une évolution dans l’utilisation respective des types de crayons me dit-elle. L’usage du crayon à papier s’est prolongé, l’emploi du stylo à bille s’est généralisé au détriment du stylo à plume. J’aurais deux questions : D’abord, peut-on, au CP, mener de bout en bout l’apprentissage systématique de l’écriture au crayon à papier ? Ensuite, peut-on laisser les élèves utiliser le stylo qu’ils souhaitent dans les classes de CE et CM ? Je suis d’une génération ayant connu la plume Sergent-Major qui donnait de très belles écritures par les pleins et les déliés, et qui nécessitait de maîtriser la pression exercée sur la plume au risque de la casser ou de faire des “pâtés”. Cordialement
Voici ma réponse Je commencerai par la 2ème partie de votre question. Vous évoquez l’usage ancien du porte-plume et vous soulignez la nécessité d’en maîtriser le maniement pour pouvoir écrire avec sous peine d’en casser la plume. Vous pointez-là une des causes de la mise à l’écart du stylo-plume, héritier direct du porte plume. Ces deux outils ont en commun de nécessiter une prise et un maniement adapté. (La nécessité d’avoir sous la main de quoi les alimenter en encre en est sans doute une autre.) On comprend alors que la façon de tenir et manier le crayon rend leur usage impossible pour beaucoup de personnes actuellement . Reste le choix du stylo (le cas évoqué étant un non-choix).
Les personnes qui ont plaisir à se sentir détendues optent plus volontiers pour un stylo à plume car on peut le coucher dans la commissure entre le pouce et l’index, ce qui détend les muscles de la main. Celles qui préfèrent éprouver un peu plus de tension choisiront un stylo à bille car il nécessite une tenue plus droite sous peine de ne pas mettre la bille mais son cerclage métallique en contact avec le papier.
On perçoit donc qu’il vaut mieux laisser le choix entre stylo à bille et stylo à plume. De la même façon, et pour des raisons analogues, il est préférable de laisser le choix de la grosseur de la pointe ou de la plume (et de sa dureté pour le stylo à plume).
En ce qui concerne le crayon à papier. Il est commode en début d’apprentissage car il se gomme et permet de réécrire au même endroit sans dommage, donc il donne droit à l’erreur. C’est rassurant pour l’enfant. C’est valorisant puisque sont évitées “les vilaines ratures”.
Le passage du crayon à papier au stylo à bille est souvent vécu comme une “promotion”. Il signe l’acceptation d’une prise de risques. Personnellement je le crois bénéfique dès que l’enfant se sent à même de l’utiliser. Il ne nécessite pas d’apprentissage complémentaire.
Il suffit d’éviter d’apprendre à écrire en couchant trop le crayon dans la main ( le mieux est de le caler juste sous l’articulation de l’index dans la commissure entre le pouce et l’index. Attention aux artifices comme l’usage d’un élastique ou autre lien qui maintiendrait le crayon couché pour éviter qu’il soit trop droit : conditionné à n’avoir aucune latitude pour moduler sa tenue de stylo, l’enfant court ensuite le risque d’avoir du mal à écrire avec un stylo à bille puisque de cette façon ce sera le cerclage de la bille qui sera en contact avec le papier.
La tenue et le maniement du stylo sont développés au chapitre 13 du Geste d’ écriture éditions Hatier (pages 231 à 268) et dans J’apprends à bien tenir mon crayon aux éditions Belin.
Bonjour,
Merci d’avoir pris la peine de me répondre de suite et de manière aussi détaillée, riche d’enseignements.
Une de vos remarques me conduit à une autre interrogation. Vous écrivez (en parlant de l’utilisation des plumes) :
“On comprend alors que la façon de tenir et manier le crayon rend leur usage impossible pour beaucoup de personnes actuellement”.
Ne pourrait-on pas, au contraire, inciter les élèves à utiliser le stylo plume ? C’est ce que j’ai toujours fait, en insistant également auprès de leurs parents. N’est-ce pas éducatif ? Même si son utilisation s’avère en effet délicate, l’écriture est plus jolie et susceptible d’amélioration car la plume offre plus de possibilités que la bille.
De plus, la plume est fragile contrairement à la bille. Si l’enfant se crispe sur son stylo à bille et appuie plus fort, les doigts glissent vers le bas. L’enfant peut tendre alors à serrer encore plus son stylo pour le maintenir. La pression augmente, la feuille se creuse quand, par accident, elle ne se troue pas ! En revanche, l’utilisation de la plume nécessite de maîtriser la pression ainsi que l’emploi d’un buvard pour la propreté (beaucoup d’enfants ne savent plus ce que c’est).
Personnellement, je me fatigue plus vite en écrivant à la bille,
Cordialement et meilleurs voeux.
Merci pour vos bons voeux. meilleurs voeux à vous aussi et à tous, à lire et écouter ici. Ne pourrait-on pas, au contraire, inciter les élèves à utiliser le stylo plume ? Dites-vous.
Effectivement, mais la tenue de stylo est parfois telle que l’usage du stylo plume n’est pas possible en l’état. Il faut alors passer par une rééducation car c’est toute la stratégie de maniement du stylo qui est à apprendre (position des doigts sur le stylo, position du bras, position de la main, position du poignet, posture) et montrer comment tenir le stylo ne suffit pas.
La meilleure solution est donc d’apprendre dès le départ à bien tenir son crayon mais aussi à bien le manier. Ce sont deux choses différentes. Le geste d’écriture consacre tout un chapitre à cette question. Le cahier 1 de la collection “les cahiers d’écriture chez Hatier également . De même “Le petit Plus” “J’apprends à tenir mon crayon“, chez Belin.
L’appui qui occasionne le foulage que vous évoquez est souvent dû à une mauvaise position de la main : ne trouvant pas son point d’appui l’enfant n’a d’autre solution que d’appuyer sur le stylo laissant ainsi la trace de l’écrit incrustée jusqu’à deux ou trois pages plus loin parfois.
La tenue du stylo bille, plus courte que celle du stylo plume, induit des tensions susceptibles d’être source de fatigue. C’est donc normal que vous vous fatiguiez plus en écrivant au stylo bille.
Bonjour, notre Inspecteur souhaite que dès le milieu du CP, tous les élèves utilisent un stylo à plume ce qui interroge beaucoup mes collègues et moi-même: est-ce une pratique courante en CP, existe-t-il des plumes adaptées aux élèves les plus jeunes? En vous remerciant.
Bonjour,
L’utilisation du stylo à plume en milieu de CP est effectivement une pratique. Est-elle très courante, peu courante, moyennement ? je ne sais pas mais elle me semble parfaitement réalisable. Mais… il y a un mais.
Il ne se situe pas au niveau du choix de la plume (qui est une affaire personnelle) mais à celui de la préparation. En effet si, dans un passé qui s’éloigne la tenue du stylo-plume ne posait pas trop de problèmes car les enfants ne pâtissaient pas d’arriérés de mauvaise tenue de l’outil scripteur, les pratiques actuelles de l’usage du crayon en maternelle tendent à prédisposer les enfants à une mauvaise tenue du stylo à plume.
Quelques rappels :
Pour que les élèves puissent se servir correctement d’un stylo à plume, il est indispensable qu’ils sachent préalablement se servir correctement d’un crayon ou d’un stylo à bille.
Savoir se servir d’un crayon implique savoir le tenir et savoir le manier.
Le crayon se tient entre le haut de la pulpe du pouce (pas l’extrêmité) et le côté de la dernière articulation du majeur (pas la phallange). L’index se pose dessus pour le guider. Le pouce est plié (c’est le contraire de sa position lorsqu’on pince une pince à linge).
Pour manier correctement le crayon et le stylo à plume la main doit être dans le prolongement de l’avant-bras afin que les muscles soient le plus possible en position de repos mis à part leurs mouvements indispensable à l’acte d’écrire. En conséquence ils sont au repos avant d’écrire et à chaque arrêt. Si la main est mal placée, certains muscles sont soit contractés soit tendus en plus des mouvements faits pour écrire (donc aussi avant d’écrire et à chaque arrêt), ce qui occasionne une fatigue, voire des douleurs. Dans le cas qui nous intéresse, à savoir l’utilisation du stylo à plume, une mauvaise position de la main occasionne un mauvais contact de la plume sur le papier avec trop souvent tous les inconvénients qui s’ensuivent (plume cassée, papier griffé, mauvais débit d’encre …)
L’avant-bras est au repos sur la table.
Tout exercice qui implique que le coude soit levé et/ou que le poignet soit soulevé en pont est contraire au bon apprentissage de l’écriture.
A savoir aussi, le stylo à plume nécessite une tenue plus inclinée que le stylo-bille (l’ajustement se fait en général automatiquement)
Pour plus d’informations sur le sujet voir Le geste d’écriture – Méthode d’apprentissage – Cycle 1 – Cycle 2.> livres et cahiers pour la classe Voir aussi sur la tenue du crayon
Bonjour
Une problématique qui a aujourd’hui son importance réside dans le coût environnemental d’un outil. Ainsi, les stylos billes complètement jetables ne sont pas l’idéal en terme de déchet, et le crayon de papier a le mérite de durer longtemps et d’être dépourvu de plastique.
Aussi, je reformulerais personnellement la question en : est-il problématique ou non de faire utilise principalement (voire uniquement) un crayon de papier à nos élèves ? Il me semble que dans certains pays, c’est l’outil privilégié.
Merci.
Bonjour Julien,
Effectivement le paramètre écologique n’est pas évoqué dans cet article. C’est qu’il date de près de 10 ans, époque ou seuls quelques avertis tiraient la sonnette d’alarme alors que les difficultés que nous vivons – et malheureusement que nous vivrons – étaient déjà bien en route et perceptibles à qui voulait/pouvait y prêter attention.
Utiliser préférentiellement un crayon n’est pas problématique. La tenue du crayon peut être plus ou moins longue (c’est à dire doigts loin de la mine) ou plus ou moins courte (c’est à dire doigts près de la mine) tandis que celle du stylo doit être au moins relativement courte (doigts près de la mine).
Une tenue longue offre plus de confort ; une tenue courte génère plus de tension. La première est donc préférable.
Je ne peux pas vous renseigner sur les choix nationaux mais le choix du crayon sur une durée plus longue qu’en France est bien possible.