Les questions sur le lien entre écriture et lecture sont récurrentes. En voici deux. J’y répondrai d’abord de façon générale (A), ensuite livre par livre en commençant par les deux livres dont il est question ci-dessous (B). Enfin, je répondrai aux autres détails des questions (C).
Questions
1) Je me permets de vous envoyer ce message, car je fais ma première rentrée dans quelques jours (je suis donc PES) et j’ai un CP/CE1. J’ai commandé vos fichiers d’écritures car j’en ai entendu beaucoup de bien, seulement voilà, l’écriture ne suit pas du tout la progression de mon manuel de lecture (Ratus) : est-ce que je peux dissocier l’écriture et la lecture ou est-ce qu’au CP il n’est pas préférable de faire des va-et-vient entre encodage et décodage?
Et si je modifie la progression de vos cahiers d’écriture, il me semble que c’est leur enlever leur intérêt.
D’autre part, peut-être sont-ce des questions stupides, mais avec ces cahiers, il s’agit de n’écrire que ce que l’on sait écrire, est-ce que ça veut dire que je ne dois pas faire écrire à mes élèves leur prénom ou la date dans le cahier du jour ?
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2) J’ai une classe de cp/ce1 avec 6cp. C’est ma première année avec des cp. J’ai acheté « Le geste d’écriture » et les cahiers d’écriture de cp. J’ai lu sur votre site et sur le forum edp que vous recommandiez d’abord d’apprendre et de revoir toutes les lettres cursives (cahier d’apprentissage 1) jusqu’à la Toussaint puis de passer au cahier de perfectionnement (cahier 2).
Je souhaite suivre votre méthode d’enseignement de l’écriture. Je me pose évidemment la question de l’articulation entre l’apprentissage de la lecture et celui de l’écriture. (En lien avec la progression phonologique de mon manuel de lecture)
La progression phonologique de mon manuel de lecture « A l’école des albums » est la suivante (pour les périodes 1 et 2)
Sons / graphèmes
Période 1 : a – i , y – o – r – é – p – au – es [é] – on , om – c, qu – l – u – d – eau
Période 2 : oi – f – s ss ç – ou – e – er – b – ê,ai – an, en, em – j,g – n – v – z , s – c – ez – è
Je dois trouver une progression adaptée à ma méthode de lecture pour éviter que les enfants fassent uniquement le « dessin des lettres » en suivant les différentes lettres et digraphes telles qu’ils sont proposés dans cette dernière.
Je me pose trois questions :
1) Comment faire pour suivre la logique de mise en place du geste graphique (de votre méthode) tout en tenant compte de mon manuel de lecture et de sa progression ? (et ceci sans dénaturer votre méthode !)
2) Si l’enfant sait écrire toutes les lettres avant la Toussaint, forcément les élèves auront appris à écrire ces lettres (et certains mots les contenant) avant l’étude du son correspondant dans le manuel.
L’enfant risque donc d’écrire ce qu’il ne sait pas encore lire. Comment faire ? La solution est-elle de considérer, lorsque cela est impossible de faire autrement, que la leçon d’écriture tient le rôle d’une première présentation de la lettre et du son qu’elle fait, préliminaire à la leçon de lecture qui viendra plus tard ?
3) Et si cette solution est valable, ne risque-t-elle pas non plus de séparer la méthode de lecture de la méthode d’écriture ? Et donc de ne pas articuler les deux méthodes.
Ma réponse :
A ) Réponse générale
A l’entrée au CP les enfants sont familiarisés avec les lettres de l’alphabet. Lecture et écriture peuvent être dissociées. On peut choisir aussi de ne pas dissocier la progression de la lecture et de l’écriture tout en suivant les deux méthodes en même temps. En effet, suivre la méthode d’écriture n’impose pas de changer la méthode de lecture.
Dans les deux cas, l’apprentissage de la lecture commencera par une prise de contact avec le livre quelle que soit la méthode. On profitera de cette période pour faire un rappel de la tenue du stylo et une prise de contact avec le cahier. Les pages 5 et 6 sont consacrées à cette prise de contact.
Vous aurez lu auparavant les pages 2 et 3 de présentation du cahier et de suggestions et consignes afin d’en optimiser votre utilisation. Vous y aurez vu que les exercices sont à doser en fonction des besoins et des possibilités de enfants.
Dans le même temps, vous ferez la séance ‘’écrire c’est facile’’. Dont voici le tableau des formes.
Pour cela, vous aurez repéré dans le livre de lecture à quelle page interviennent les lettres qui utilisent des formes de 2ème unité (rouleau – que certains considéraient jusqu’ici comme une ‘’boucle à l’envers’’ – , pont, jambages bâtonnés ou jambages bouclés). Jusqu’il y a peu, entraînée par les habitudes professionnelles, je considérais le pont comme la forme de base de 2ème unité. L’étude du système et des relations intrasystémiques poursuivie après ma thèse m’a montré que c’était là une erreur : les deux formes de bases ont obligatoirement les deux mêmes attributs, attaque à gauche et arrondi. Le pont ne possède pas ce dernier attribut puisqu’on peut le continuer tout droit indéfiniment. C’est le cas, en revanche, du rouleau – qui servira à former s, x, z).
Ensuite, vous aurez regardé où se trouve la 1ère lettre ronde.
Selon le niveau des enfants et selon le livre que vous utilisez vous arrêterez votre séance à la fin de la 1ère unité ou avant le rond, sauf si une lettre de 2ème unité* se trouve dans les toute premières pages (*j’appellerai ainsi les lettres qui utilisent une 2ème unité sachant que la 1ère unité est présente dans toutes les lettres).
Si vous utilisez le cahier dans l’ordre de ses pages, vous commencerez l’écriture à proprement parler soit en même temps que la lecture, soit un peu avant, soit un peu après. Répondez bien aux questions des enfants sur ce qu’ils ont écrit. Au besoin suscitez discrètement leurs questions : ils doivent impérativement comprendre que l’écriture fait sens.
Des exercices concernent l’enchaînement des lettres, cela ne fait pas sens, bien sûr, mais c’est un exercice d’acquisition d’une écriture fluide. D’autres concernent des mots et très rapidement des phrases. Faites mettre les mots isolés dans des phrases afin que l’enfant accède au sens. D’autres exercices concernent les mots outils. Leur utilité n’est plus à démontrer.
Si vous associez écriture et lecture repérez dans le cahier les exercices qui peuvent être faits pour que l’enfant n’écrive que ce qu’il a appris à écrire. Progressivement le cahier se remplira mais ce sera dans le désordre (ce qui somme toute, importe peu).
A très vite pour des exemples complets de liaison entre méthode Dumont et manuels de lecture.
Bonsoir,
Je voulais juste vous signaler que le lien “progression lecture et progression écriture – Ratus” en bas d’article ne fonctionne pas ! Cette année je vais dissocier lecture et écriture car dans la méthode de lecture que j’ai choisie (“Lire, dire, écrire avec Ludo”), on ne voit qu’un son par semaine (. Dans ces conditions, il me semble donc difficile de lier votre progression en écriture à celle de ma méthode de lecture. J’essayerai néanmoins de m’y pencher l’année prochaine, au cas où…
Je vais voir pour le lien mais je vais d’ores et déjà rebondir sur la question de la dissociation. L’existence des posters facilite la dissociation entre apprentissage de la lecture et de l’écriture : elle permet à l’enfant de voir comment sont formées les lettres et de comprendre comment se créent les formes qui les constituent.
Voir et comprendre le processus de formation des lettres lui permet de se libérer du carcan imposé par les lignes de ponts, de verticales ou autres “graphismes” censés lui apprendre à écrire. Ces lignes ne peuvent exister que comme matériau de perception de l’usage du lignage ou de consolidation de la position de la main et du mouvement des doigts pas comme “modèles de formes” (pour s’en convaincre, il suffit de comparer le n de on et celui de en ).
Les formes constitutives des lettres ne sont pas obligatoirement à l’identique d’une lettre à l’autre : le principe du recodage (qui module les formes pour qu’elles s’assemblent) et du chunking (qui fait passer de l’unité forme à l’unité lettre et de l’unité lettre à l’unité mot) est expliqué et illustré dans la nouvelle édition du Geste d’écriture.
Le processus de création des formes montre concrètement à l’enfant comment l’étrécie et le rond dérivent de la boucle et comment le pont et le jambage dérivent du rouleau. Le rattachement de l’apprentissage de toutes les formes de l’écriture cursive minuscule à deux formes de base seulement rassure l’enfant et lui donne à comprendre (ce qui est valorisant) tout autant qu’à apprendre (ce qui, seul, ne relèverait que d’un conditionnement).