Lorsqu’on est parent, il est tentant de commencer à apprendre à écrire à son enfant avant-même qu’il aille à l’école. Est-ce une bonne chose ? Faut-il au contraire l’éviter ? Mais aussi, du point de vue de l’enseignant, vaut-il mieux alors tout reprendre ? Doit-on tenir compte des acquis ? Si oui, comment le faire ?

Je reçois une demande inquiète d’une enseignante qui me dit :

j’ai eu l’occasion de lire et de travailler avec votre méthode que j’ai vivement recommandée autour de moi.
Il y a 4 ans j’ai été en charge de l’écriture dans une classe de GS. J’ai lu votre ouvrage et expliqué en gros aux parents d’élèves que l’écriture en cursive s’apprenait à l’école et que je préférais que les enfants n’apprennent pas à écrire à la maison. Je l’ai spécifié aussi aux enfants en début d’année. Et puis nous avons démarré le travail sur l’horizontalité, la tenue de la ligne, les espacements, les capitales et en février il me semble nous avons commencé à écrire les petits mots du cahier bleu je crois (le, elle, celle …)
Ai-je commis une erreur en demandant de ne pas écrire à la maison même si certains enfants notamment une en particulier écrivaient déjà? Ai-je commis une erreur en reprenant la méthode au début et donc en commençant l’écriture en attaché “tard” dans la GS?
Merci de lire ce message et d’avance merci pour votre réponse.
Merci pour votre partage également et votre disponibilité.

Voici donc ma réponse :

Le problème essentiel de l’écriture à la maison est que les parents y voient surtout le respect du dessin des lettres. Sauf exception, ils oublient donc tout ce qui fait les fondements d’une écriture réussie : tenue de ligne, verticalité des axes, régularité des espaces, homogénéité des formes, préparation à la tenue du crayon, préparation à l’écriture des premières lettres, pour passer directement à l’écriture elle-même.

Si tel est le cas soit l’enfant gère mal l’ensemble des contingences spatiales de l’écriture ( il tient mal sa ligne, les lettres sont mal positionnées, mal proportionnées…), soit il concentre toute son attention et toutes ses forces pour suivre le trajet de la lettre, ce qui n’est pas la bonne façon d’aborder l’écriture.

Lorsque l’écriture est véritablement réussie, la production de la trace graphique ne demande aucun effort ; l’enfant peut alors se consacrer à la réflexion sur le contenu de l’écrit. C’est l’objectif en fin de GS ; c’est de toute évidence l’objectif que vous vous êtes fixé.

Pour cela, il vous fallait donc passer par la mise en place de la tenue de ligne, de la régularité des espaces etc. et vous l’avez fait.  Les capitales ne sont pas indispensables mais elles offrent une solution d’attente tant que l’enfant n’écrit pas en cursive. Vous ne dites rien de la mise en place de la forme de base de 1ère unité de mouvement (la boucle) ni de la tenue du crayon, mais je suppose que vous vous y êtes consacrée également. Donc il me semble que vous n’avez pas de raison d’être inquiète. Mais on s’inquiète toujours, n’est-ce pas, lorsqu’on a cette belle et lourde charge d’enseigner…

Une précision en ce qui concerne les lettres : l’habitude a consacré l’expression ”écriture en attaché”. C’est une grossière erreur qui empêche certains enfants de comprendre que l’écriture est un continuum : on s’arrête entre les mots pour qu’ils soient séparés pas entre les lettres pour les attacher. Forts de l’idée qu’ils écrivent “en attaché” beaucoup d’enfants tracent une lettre, s’arrêtent puis tracent la suivante, parfois même avec un petit trait de liaison.  Dire écriture cursive plutôt qu’écriture en attaché n’est pas une pédanterie, c’est une expression qui rend compte du fait que l’écriture court sur le papier.

Consciente que la formation des lettres n’est pas une évidence, consciente qu’il est bien légitime que les parents veuillent faire le maximum pour leurs enfants, je sors ces temps-ci deux nouveaux produits chez Hatier :

– un quadruple poster : abécédaire, réglettes individuelles, chiffres, processus de formation des lettres.

– un cahier dans la collection Les cahiers d’écriture – Différenciation et transversalité :  Le cirque.

Le premier est destiné à être affiché en classe. (Mais pourquoi pas aussi l’avoir à la maison ?)

Le deuxième est destiné à la classe mais aussi à la maison pour le cas où des parents voudraient préparer leur enfant à l’apprentissage de l’écriture.  Les enfants peuvent en effet y faire des productions différentes selon les besoins du moment. Il est conçu pour réconcilier les envies des parents et les exigences légitimes de l’école.

J’espère avoir répondu à votre question et avoir levé vos inquiétudes.