Que pensez-vous de l’activité écriture en lettres capitales en MS ? A-t-elle une utilité en ce qui concerne la construction du geste d’écriture  ? Et à fortiori en GS ? me demande une conseillère pédagogique en attendant que je fasse une conférence qui a dû être repoussée en raison de la Covid.

J’ai pensé que cette question pourrait intéresser nombre d’enseignants qui peuvent avoir du mal à suivre le sort réservé à cette écriture en capitales au fil des programmes et, du coup, à savoir à quoi s’en tenir.

Il fut un temps, l’écriture en capitales était considérée comme « l’écriture de l’école maternelle ». Puis elle a reculé pour coexister avec l’écriture cursive. Les derniers et avant-derniers programmes disent que son enseignement ne doit pas être systématique mais ajoutent que, à partir de la moyenne section, et régulièrement en grande section, l’enseignant explique la correspondance des trois écritures (cursive, script, capitales).

Ça, ce sont les textes. Voyons les faits.

L’objectif de l’apprentissage de l’écriture manuscrite est l’écriture cursive.

Ce que l’enfant voit dans son environnement , c’est essentiellement de l’écriture imprimée non cursive : l’écriture script pour les minuscules, l’écriture en capitales pour les majuscules. Il les voit dans les enseignes, les publicités, les noms de rue, les livres, les journaux. Il voit moins souvent l’écriture cursive dont, pourtant, la fluidité et la rapidité d’exécution en fait un moyen privilégié de production de sens.

J’ai créé le concept de geste d’écriture (dans les années 90) pour rendre compte de tout ce qui entre en jeu dans l’acte d’écriture manuscrite :

– le mouvement (qui est le moteur, et qui implique des organes scripteurs et leur manipulation d’outils scripteurs)

– l’espace (c’est-à-dire toutes les contingences spatiales de l’écriture (horizontalité et tenue de la ligne, verticalité des axes, proportions des dimensions),

– la forme (qui est la concrétisation du mouvement dans une trace).

Les capitales n’entrent en rien dans la construction du geste d’écriture. L’écriture manuscrite ne leur est pas tributaire. C’est-à-dire que l’enfant peut se passer de savoir écrire en capitales pour écrire en cursive. Idem pour l’écriture script.

En revanche, tout ce qui est appris pour écrire en cursive sert aussi à apprendre à écrire en capitales, sauf la forme.

Plus encore, lorsque l’enfant fait de la peinture à doigts puis la même activité avec un crayon pour stabiliser la position de sa main et le contact du poignet avec la feuille, il trace des verticales. Les verticales sont absentes en tant que telles de l’écriture cursive  (les jambages bâtonnés sont plus normés qu’une simple verticale) ; en revanche, elles sont abondamment présentes dans l’écriture en capitales  (13 lettres sur 26 B, D, E, F, H, I, K, L, M, N, P, R, T ).

Pour leur part, s’il les raccourcit, les horizontales qu’il trace assez longues pour assurer le mouvement de l’épaule dans son apprentissage de l’écriture cursive, entrent dans la formation de 8 lettres capitales (A, E , F , G , H , L , T , Z).

Les arcs de cercles de l’écriture en capitales sont obligatoirement soit en 1ère unité de mouvement (6 lettres C, G, O, Q, S, U) soit en 2ème ( 6 lettres B, D, J, P, R, S).

Les courses aux zigzags d’assouplissement des doigts peuvent être exploitées pour les obliques (10 lettres A, K, M, N, R, V, W, X, Y, Z).

En conclusion et pour répondre maintenant à la question posée : l’écriture en capitales n’est d’aucune nécessité en qualité d’écriture dans la construction du geste d’écriture en ce sens que l’écriture cursive peut se passer de l’écriture en capitales. En revanche, elle peut être exploitée comme objet dans des exercices d’alignement qui peuvent consister en reconstitution de mots pour légender une production (dessin ou poster) ou faire des étiquetages (boites, plantations…). Elle peut donc avoir son utilité en ce sens y compris, pour certains enfants, dès la PS.

Hormis les fonctions signalétiques généralement attribuées à l’écriture en capitales, les capitales peuvent être une solution d’attente pour la « production de texte » sous forme de copie de dictée à l’adulte, par exemple pour écrire JOYEUX NOÊL, BONNE ANNÉE, BONNE FÊTE etc.  en attendant de pouvoir l’écrire en cursive.

Cet usage est rendu possible par la fixité de ses formes, tandis que l’écriture cursive implique un recodage constant pour adapter chaque lettre à son environnement.

À mon avis, dès que l’écriture cursive permet d’écrire ce que l’enfant souhaite écrire, il y a lieu d’abandonner les capitales au profit de la cursive pour tous les écrits qui n’ont pas lieu d’être en capitales.

Pour plus … dans son édition 2016, Le geste d’écriture consacre un paragraphe aux capitales (pages 137 et 138)