Question : Je suis enseignante en GS et j’ai assisté récemment à l’une de vos conférences. Lors de ma formation universitaire, un reproche m’avait été fait à propos de l’écriture du prénom (à l’époque, je ne savais pas qu’il ne fallait pas commencer par cela !). Sur le modèle, j’avais écrit la majuscule en capitale et le reste du prénom en cursive. La formatrice m’avait dit de ne pas mélanger les 2 écritures et qu’une majuscule en cursive n’était pas plus difficile qu’un y ou un z en minuscule. Que pensez-vous de faire écrire les majuscules en cursive dès le début de l’apprentissage ? Merci pour votre réponse. Respectueusement,
Ma réponse
Bien des personnes croient encore qu’il faut commencer l’apprentissage de l’écriture par le prénom. J’espère pour les enfants qu’elles se réveilleront bientôt car cela pose de nombreux problèmes.
Au sujet de l’écriture des majuscules cursives dès les tout premiers écrits.
Si, une majuscule cursive est plus difficile qu’un y ou un z, si tant est qu’on les a appris de façon structurée.
y = une étrécie à laquelle s’enchaîne un jambage, c’est donc vraiment très simple.
z = une attaque de grande boucle, un rouleau, un rouleau prolongé bas.
Il suffit donc de connaître les deux formes de base et leurs dérivées pour pouvoir les écrire.
Si les majuscules calligraphiques peuvent se classer en fonction de leur attaque (cf. Le geste d’écriture, tableau page 138) le système qui en assure la construction n’est pas évident sauf pour quelques-unes. Pour comprendre qu’écrire des majuscules calligraphiques n’est pas simple, il suffit de voir l’opposition que j’ai rencontrée lorsque j’ai voulu proposer que le D soit tracé sur le modèle de B, P, F – ce qui serait logique.
Sans doute certains enfants de maternelle sont-ils capable de les écrire correctement. En tout cas pour pouvoir toutes les écrire, il est nécessaire qu’ils aient une habileté suffisante pour descendre correctement sous la ligne (c’est à dire pour tracer un jambage) et qu’ils les apprennent une à une sans référence à un métalangage (puisqu’il n’en existe pas à leur sujet à ma connaissance).
Donc oui, l’écriture des majuscules calligraphiques est difficile. Leur apprentissage en maternelle ne me semble pas être un objectif raisonnable. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les interdire à l’enfant qui réclamerait de les écrire.
Au sujet de l’initiale du prénom car, in fine, la question est bien de savoir comment on écrit une lettre qui, grammaticalement, doit s’écrire en majuscule (initiale des noms propres et début de phrase). Doit-elle être en capitale, en majuscule calligraphique ou en cursive ?
L’écriture en capitale est d’accès simple : il suffit de savoir gérer l’espace graphique et manier le crayon pour reproduire correctement les capitales. L’inconvénient est que deux systèmes d’écriture sont en présence (modèle d’écriture d’imprimerie pour l’initiale ; modèle d’écriture cursive pour les minuscules) ; ce n’est pas conforme à la règle.
L’écriture en minuscule permet d’écrire le mot en question (en l’occurrence le prénom) dès que toutes les minuscules dudit mot sont connues. L’inconvénient est que ce n’est pas conforme à la grammaire.
L’écriture en majuscule calligraphique est conforme à la grammaire. L’inconvénient est sa difficulté particulière.
A mon avis, ce sont trois mauvaises solutions car aucune ne donne pleine satisfaction. Les deux premières sont des solutions d’attente.
Ma suggestion est de laisser le choix à l’enfant entre ces trois possibilités tout en lui montrant celle qui correspond à la règle, la majuscule (calligraphique). Cette offre de choix devrait être assortie de quelques explications :
– la majuscule est difficile, nous ne l’avons pas apprise, tu as le droit de choisir d’écrire pour l’instant une minuscule que tu remplaceras par une majuscule quand tu voudras…, quand tu sauras (en CP, en CE1 ou avant si tu veux). Il n’y a pas d’urgence, il faut juste que tu saches qu’il faudra la remplacer plus tard.
– tu as aussi le droit de choisir de la remplacer par une capitale. C’est plus facile. Il faut juste que tu saches que tu apprendras bientôt (en CP, en CE1 ou avant si tu veux) à la remplacer par une majuscule.
Voilà donc ma position car on ne peut pas obliger l’enfant à faire ce qu’on ne lui a pas appris à faire et je trouve qu’il est sain que l’enfant sache qu’il existe des limites aux capacités qu’on peut avoir et que dépasser ces limites ne signifie pas “faire n’importe quoi” mais bien “se donner les moyens de faire correctement”*. (*et je dirais hors écriture que si chacun avait cette réalité-là en tête et la mettait en pratique, le monde irait peut-être mieux… mais c’est un autre débat)
Enseignante en GS après l’avoir été en élémentaire, j’ai opté pour la solution de l’initiale en capitale, en expliquant aux élèves qu’ils apprendront plus tard à la “calligraphier”.
Parce que j’ai eu trop de déboires avec mes élèves de CE1, voire de CE2, qui ne comprennent pas que les noms propres portent toujours une majuscule, puisque leur prénom, qui en est un, n’en porte pas…
Je pense que déconstruire une règle de calligraphie et moins complexe que déconstruire une règle de grammaire faussement ancrée, non ?
Le débat reste ouvert !!
Je suis assez d’accord avec votre choix.
Tout d’abord parce que, à mon avis, il n’y a pas de bon choix pour régler la question de l’initiale des noms propres et de la 1ère lettre d’une phrase tant que l’enfant ne sait pas écrire :
– La majuscule cursive est difficile et il ne me semble pas bon d’exiger cette forme à des enfants qui n’ont pas encore une habileté graphique suffisante.
– L’écriture en minuscule est une erreur grammaticale
– La capitale fait coexister deux modèles.
Ensuite puisque la capitale et la majuscule cursive au début des noms propres répondent l’une et l’autre à la règle de grammaire relative à leur écriture. (Vous l’évoquez en sous-entendu en disant : déconstruire une règle de calligraphie est moins complexe que déconstruire une règle de grammaire faussement ancrée).
Enfin la facilité d’écriture des capitales les fait préférer aux majuscules cursives en maternelle.
Je voudrais toutefois rebondir sur le verbe « calligraphier »(Les élèvent apprendront plus tard à la « calligraphier »). Je comprends bien ce que vous voulez dire et il ne semble pas qu’il y ait d’ambiguïté à ce sujet dans votre propos ni dans votre esprit. Je souhaite juste attirer l’attention sur l’introduction de ce terme lorsqu’il s’agit de préparation à l’écriture – et on va même jusqu’à dire que les enfants seront de bons calligraphes. Cette introduction pose un problème très sérieux. Il y a 60 ans on décriait ”l’écriture science des ânes”, ce qu’elle n’était pas à l’époque. Les exercices de français nécessitaient de la réflexion et il n’aurait jamais été possible de réussir le concours d’entrée en sixième et encore moins le brevet des collèges – appelé à l’époque brevet élémentaire – si l’attention était restée focalisée sur le tracé des lettres. Je crains fort que dans la confusion entre graphisme et écriture d’une part, entre écriture et calligraphie d’autre part on oublie que le propre de l’écriture c’est de transcrire du sens et que l’écriture sciences des ânes soit bel et bien ressuscitée.
Cordialement