En ce qui concerne les crayons et les stylos, les questions portent souvent sur leurs choix ou sur la façon de les tenir. Plus rares mais non moins importantes sont les questions sur l’impact de mauvais choix.
Le 26 septembre 2015, je reçois ce message
Bonjour, je suis un peu perdue
Mon fils est en CE2, il fait beaucoup de fautes en recopiant un texte tout simple de quelques lignes. Je pense que cela est du à on écriture. Il est très tendu lorsqu’il écrit, il m’a dit lui même qu’il tremble et qu’il est crispé mais il ne sait pas pourquoi. Déjà en CE1 je lui avais donné un criterium au lieu d’un crayon à papier car il appuyait énormément dessus. J’avais lu ça sur des sites sur internet afin qu’il gère mieux sa force. Je sens qu’il a des difficultés pour écrire car j’ai beau lui dire comment se positionner, comment placer son bras, ses cahiers ….rien n’y fait ! On sent comme une crispation, peut-être même une certaine peur ..
Auriez-vous des conseils ou quelqu’un à me conseiller ?
Je réponds ceci :
Merci pour votre confiance.
Mon premier conseil est de ne pas croire tout ce qui est publié sur Internet. Trop de conseils conduisent au type de résultat que vous obtenez, ce sont des classes entières qui sont concernées.
Conseiller de donner un critérium pour les enfants qui appuient, c’est méconnaître non seulement l’ensemble du geste d’écriture mais aussi la relation entre la psychologie de l’enfant et son écriture. C’est aussi faire violence à l’enfant : dès qu’il appuie trop la mine casse. Non seulement cette technique ne résout pas le problème mais encore elle ajoute du stress et un sentiment de culpabilité (culpabilité de ne pas y arriver malgré tous les efforts que fait maman pour aider).
Un critérium est vraiment le dernier des outils à donner à un enfant pour apprendre à écrire ! Votre fils est tendu, il tremble, il est crispé, quoi de plus normal puisque le conseil que vous avez reçu ajouter du stress à la difficulté.
Donc, je vous suggère premièrement d’abandonner le critérium et de faire choisir à votre fils le crayon qui lui conviendra, de même pour le stylo-bille et le stylo plume (qu’il prenne son temps d’essayer la mine, la plume et la bille – mais qu’il ne prenne pas un stylo trop gros – ni trop fin – ni avec un emplacement pour les doigts) et de voir au plus tôt de ma part l’une des rééducatrices suivantes. (…)
Elle devrait pouvoir régler le problème rapidement, voire très rapidement. Vous voudrez bien me tenir au courant ?
Bien cordialement … et rassurez votre fils, on va le sortir de là 🙂
Deux mois plus tard je reçois celui-ci :
J’ai eu des cycle 2 pendant 8 ans et j’ai toujours été très vigilante à donner les bons réflexes aux élèves pour le bon geste d’écriture… J’ai largement puisé dans vos livres et conseils pour y arriver, entre autres… Merci beaucoup.
Maintenant j’ai des cycle 3 et en géométrie, j’ai beaucoup, beaucoup de difficultés à obtenir que les élèves n’appuient pas sur leur crayon. J’ai eu beau leur faire faire des petits exercices pour leur montrer que si on aperçoit encore le trait après le gommage, c’est que l’appui est trop fort, rien à faire ! J’ai testé la plaque de polystyrène, le papier carbone, et d’autres…. dès qu’ils reviennent sur leur cahier de géométrie, c’est reparti ! Ils ne cassent pas la mine d’un critérium, même pointe 0.5 mm, mais appuient trop quand même…
Auriez-vous des astuces ?
Merci beaucoup pour TOUT !
Auquel je réponds :
Bonjour,
Merci pour ce témoignage. Je me rends toujours disponible pour répondre aux demandes tant une bonne entrée dans l’écrit (et je dirais « dans l’écriture ») est capitale pour la confiance en soi et pour la suite de la scolarité.
Les difficultés de tenue du crayon ont plusieurs causes. J’en citerai deux :
1) les enfants manipulent de moins en moins d’objets ; en revanche ils utilisent de plus en plus la tablette ce qui induit une préhension et une mobilité des doigts spécifiques et peu compatibles avec une bonne tenue du crayon.
2) sans doute à une moindre échelle car Internet n’a pas un pouvoir démesuré : il circule sur Internet des conseils toxiques pour la tenue du crayon. Ils sont aussi toxiques qu’ils sont alléchants. En voici trois :
a) série d’activités plaçant le bras et le poignet en l’air ; on a ensuite beaucoup de mal à apprendre aux enfants à poser le poignet pour écrire,
b) usage d’un critérium dont la mine cassera dès que l’enfant appuiera trop ; la cassure de la mine n’apprend pas à ne pas appuyer et elle stresse les enfants, elle les empêche d’appuyer ; c’est à déconseiller ;
c) usage d’un bracelet complété d’un élastique qui bloque le crayon dans l’axe de l’avant-bras ; les enfants n’arrivent plus, ensuite, à passer du crayon au stylo-bille.
Ces conseils toxiques soulignent à la fois une méconnaissance de la pédagogie en général (les apprentissages y sont remplacés par de la contrainte) et une méconnaissance de ce qu’est le geste d’écriture. Ils ont le mérite d’inciter à la prudence.