Oraliser, verbaliser, nommer,
ou plutôt : verbaliser, nommer, oraliser. Que de confusions parfois autour de ces trois verbes, auxquels on peut ajouter : lire.

Verbaliser, c’est “mettre en verbes”. En ce qui concerne l’écriture, c’est donc se dire : “je monte, je tourne, je descends …” au fur et à mesure de la production de la trace. Impossible donc d’avoir autre chose dans l’esprit au moment où l’on produit cette trace. Autrement dit, lorsqu’il s’agit de verbaliser l’écriture au fur et à mesure qu’on écrit, impossible de penser en même temps ce que l’on écrit ni, à défaut, d’avoir à l’esprit la relation graphophonologique. Pratiquée ainsi, la verbalisation risque de perturber la compréhension du fonctionnement de l’écrit et de faire percevoir l’écriture comme un dessin de lettres. La focalisation sur la description de l’action en freine l’automatisme. Pour se rendre compte de la gêne procurée on peut tenter de marcher en décrivant au fur et à mesure chacun de ses mouvements.
S’il se peut que la verbalisation ait une utilité dans certains cas de dyspraxie, soyons vigilant à ne pas faire de la description du suivi de la trajectoire du crayon sur le papier un mode de rééducation de l’écriture.

Nommer, c’est “mettre en noms”. En ce qui concerne l’écriture, c’est soit dire le nom des formes qui constituent les lettres soit dire le nom des lettres qui constituent les mots. Nommer les formes est une bonne façon de repérer les formes constitutives de la lettre que l’on découvre. Si les formes de base et leurs dérivées ont été apprises, alors l’enfant sait les faire. Etre à même de nommer les formes de la nouvelle lettre assure à l’enfant une vision juste de sa composition* et lui permet de convoquer immédiatement dans son esprit les bonnes formes, donc les bons gestes. Comme ce rappel mnésique concerne la mémoire procédurale, l’esprit n’est pas encombré et , au fur et à mesure qu’il écrit, l’enfant peut oraliser ou, mieux encore, lire, si ses connaissances le lui permettent.
Connaître le métalangage permettant de nommer les formes constitutives des lettres est donc un atout majeur lorsque l’enfant a été formé à les produire : en les voyant il les identifie et peut immédiatement les produire. L’apprentissage de l’écriture en est favorisé, de même que la lecture.
Un métalangage adapté est également un atout pour les dyspraxiques.
Il ne s’agit pas pour autant de nommer les formes – ni les lettres – au fur et à mesure que l’on écrit quelle que soit la brièveté du mot, sauf exception lorsqu’il s’agit d’une lettre, pour s’interroger sur l’orthographe d’un mot.
(* Le langage sert à organiser le monde, donc à le voir)

Oraliser, c’est “mettre à l’oral”. Il s’agit donc de concrétiser la relation graphophonologique. En ce qui concerne l’acte d’écriture, oraliser, c’est “transformer en oral ce qu’on est en train d’écrire”. Aux combinaisons des lettres écrites correspondent un assemblage de sons. La “lecture” de syllabes est une oralisation, c’est à dire le passage de l’écrit à l’oral dans des syllabes qui ne font pas forcément sens. Dans ce cadre, l’art de l’enseignant réside dans la transformation progressive de l’oralisation, qui fait émettre des sons, à la lecture, qui fait émerger une pensée.

Dans le cadre de ce bref article, je dirais que lire c’est transformer en pensée ce qui est écrit.

Lorsque l’enfant a été formé correctement à l’apprentissage de l’écriture, la vision des formes s’agence directement en vision de lettres dont l’assemblage renvoie directement à une oralisation qui convoque dans l’esprit de l’enfant le sens véhiculé par l’écrit s’il connaît ce sens ou s’il peut peut y avoir accès par d’autres connaissances.

En soignant les commencements, c’est à dire en faisant fructifier tous les potentiels de l’enfant par des encodages mnésiques adaptés, sans pour autant chercher à anticiper, on peut faire entrer conjointement l’enfant dans l’écriture et dans la lecture.

En pratique, l’apprentissage de l’écriture étant fait pour l’essentiel en maternelle* une révision la première semaine de CP remet en mémoire les formes constitutives des lettres et, au fur et à mesure, à partir de là, la forme de chaque lettre. Le cahier d’écriture de CP 1 – Apprentissage – peut être ensuite utilisé quelle que soit la méthode de lecture qu’il s’agisse d’une méthode syllabique ou autre.

  • En observant la récurrence de mots outils ou de certaines syllabes, certains enfants sont entrés implicitement dans la combinatoire.